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Accession, succession et chronologie dynastique au trône impérial du Mandé

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L'Accession au trône Impérial de Soundjata Keita de 1235 à 1255

 

À la mort de Naré Maghan Konaté, roi de Niani, son fils aîné Dankaran Toumani, né de Sassouma Bérété, fût désigné comme héritier du trône. Quant à Soundjata, fils de la seconde épouse Sogolon Kondé, il fut écarté du pouvoir en dépit des prophéties qui annonçaient depuis sa naissance qu’il serait l’élu du Mandé. Rejeté par la cour, méprisé par la première épouse du roi, Soundjata grandit dans l’exil avec sa mère, sans ambition apparente, mais porteur d’un destin que les anciens n’avaient pas oublié.

Alors que le Mandé sombrait peu à peu sous la menace de Soumaoro Kanté, roi du royaume voisin du Sosso, Dankaran Toumani se montra incapable de résister à l’envahisseur. Face à l’offensive du tyran, il choisit de fuir et se réfugia à Kissidougou, abandonnant ainsi non seulement la capitale, mais aussi son peuple. Il perdit toute légitimité aux yeux des chefs traditionnels. Un roi qui ne défend pas le Mandé, disaient-ils, ne peut en être le gardien. Dans la coutume mandingue, le trône n’est pas une propriété personnelle : c’est une charge, confiée par le peuple et les anciens à celui qui est apte à la porter.

Les chefs des grandes familles du Mandé — Kamara, Traoré, Cissé, Condé, Diabaté et autres lignages nobles — se réunirent alors pour décider de l’avenir. Ils comprirent que le Mandé, humilié et privé de roi, devait être sauvé par quelqu’un de digne. Leur choix se porta naturellement vers Soundjata, en exil au royaume de Mema. Malgré son éloignement, il appartenait à la lignée royale ; par sa mère Sogolon, la femme bufle, femme choisie par les devins pour enfanter un sauveur, il incarnait une légitimité mystique et prophétique, ancrée dans la spiritualité du Mandé. Les chefs envoyèrent donc une délégation pour le rappeler à son devoir comme un prétendant légitime du trône vacant, afin de "prendre son héritage"  se traduisant par KEYETA ou KIENTA devenu KEITA par la suite.

Soundjata répondit à l’appel des siens et leva une armée formée d’alliés et de partisans issus de tous les peuples du Mandé. Il affronta Soumaoro Kanté lors de la célèbre bataille de Kirina en 1235, qu’il remporta grâce à son intelligence stratégique, son courage, et la loyauté des siens. Cette victoire marqua la libération du Mandé, mais aussi le début d’un nouvel ordre impérial.

Après la victoire, les chefs se rassemblèrent à Kurukan Fuga pour reconnaître Soundjata comme Mansa. Il ne s’autoproclama pas roi : il fût investi par l’ensemble des chefs traditionnels réunis dans la Gbara, une grande assemblée coutumière fondée pour garantir l’équilibre entre les clans, les castes et les territoires. C’est aussi à Kurukan Fuga que fût proclamée la Charte du Mandé, fondement moral et politique de l’Empire, affirmant les principes de liberté, de dignité humaine, de solidarité et de justice. Cette charte allait guider l’Empire du Mâli pour des siècles.

L’histoire de Soundjata établit donc une règle claire et toujours vivante dans la tradition du Mandé : le trône ne revient pas nécessairement à l’aîné par le sang, mais à celui ou celle qui est reconnu par les chefs coutumiers, porté par le peuple, capable d’assurer la stabilité du royaume et d’incarner les valeurs du Mandé. La filiation reste importante, mais la reconnaissance de la Gbara, le mérite personnel, le service du peuple et la continuité spirituelle sont tout aussi déterminants. Quand un souverain abandonne ses responsabilités ou trahit les fondements du Mandé, il peut être remplacé par un autre héritier légitime, selon la volonté des anciens.

Ainsi, dans le Mandé, la légitimité impériale est fondée sur la mémoire, la coutume, la reconnaissance des chefs, et la fidélité aux valeurs héritées de Kurukan Fuga. Ce n’est pas la naissance seule qui fait le souverain, mais l’adhésion des sages, la noblesse d’esprit, et la capacité à répondre à l’appel du Mandé en temps de crise.

L’histoire de Soundjata Keita établit une règle claire, encore valable pour les successions coutumières légitimes du Mandé :

"Le trône revient à celui ou celle qui est légitimé par la filiation, reconnu par les chefs traditionnels, porté par le peuple, et capable de défendre les valeurs et l’intégrité du Mandé."

Cette règle repose sur quatre piliers :

  • La filiation royale (paternelle ou maternelle) : Le prétendant doit être issu de la lignée fondatrice du Mandé.

  • La reconnaissance de la Gbara (les chefs) : L’autorité ne se prend pas, elle est donnée par la voix des anciens.

  • Le mérite personnel : Le courage, la sagesse et la capacité à rassembler priment sur l’ordre de naissance.

  • Le service du peuple : Le roi n’est pas maître, mais gardien du Mandé, garant de la justice et du bien commun.

Le Mansa Ouali Keita, fils biologique de Soundjata Keita 1255-1270

À la mort de Soundjata Keita vers 1255, l’Empire du Mâli venait tout juste de naître sur les cendres du royaume du Sosso. L’ordre nouveau qu’il avait instauré à Kurukan Fuga avait posé les bases d’un État organisé, fondé sur la justice, l’équité et la mémoire des ancêtres. Son fils, Wali Keita (aussi orthographié Uali ou Mansa Wali), lui succéda sur le trône impérial. Ce fût la première transmission du pouvoir dynastique dans l’histoire du Mali, une étape décisive qui allait confirmer que l’empire fondé par Soundjata n’était pas seulement le fruit d’un homme, mais bien celui d’une lignée légitime.

Wali était le fils biologique de Soundjata Keita, né de l’une de ses épouses officielles. Sa désignation comme héritier fût reconnue par la Gbara, le conseil impérial, dont la mission était d’assurer la continuité et l’équilibre du pouvoir. Son accession au trône ne fut pas contestée, car il remplissait deux conditions fondamentales aux yeux des chefs traditionnels : d’une part, il appartenait à la lignée directe du fondateur, assurant ainsi la continuité dynastique ; d’autre part, il avait été formé au commandement et respectait les principes du Kurukan Fuga. Il incarnait la stabilité et l’héritage.

Le règne de Wali Keita, qui dura de 1255 à 1270, ft marqué par la consolidation de l’empire. Il poursuivit l’œuvre de centralisation engagée par son père, renforça les institutions de la Gbara et assura l’unité des provinces conquises. Il fit aussi le pèlerinage à La Mecque, devenant ainsi le premier Mansa à poser un acte officiel d’engagement dans la foi islamique, tout en maintenant les équilibres traditionnels du Mandé. Sa reconnaissance internationale rejaillit sur l’empire, qui gagna en prestige au sein du monde musulman.

Le cas de Wali permet de dégager une règle importante dans la tradition mandingue : la succession dynastique est possible lorsque l’héritier direct du souverain défunt est reconnu par le conseil des sages comme apte à gouverner et respectueux de l’ordre établi. Il ne suffit pas d’être fils du roi ; il faut aussi être en mesure d’assurer l’héritage moral et politique de ses ancêtres. L’accord de la Gbara, fondé sur le consensus des grandes familles, reste un élément incontournable, même dans une transmission par le sang.​ Ainsi, dans la tradition impériale du Mandé, la légitimité successorale repose sur un double fondement : la filiation directe (sang royal) et la reconnaissance politique par les chefs traditionnels. Ce principe garantit la continuité sans engendrer de tyrannie héréditaire : un héritier désigné peut être remplacé s’il ne respecte pas les fondements du Mandé. Mais s’il incarne l’équilibre entre héritage, mérite et foi, alors sa montée sur le trône est accueillie comme une bénédiction ;

" Succession héréditaire dynastique légitimée par reconnaissance coutumière "

 

Dans le cas du Mansa Wali Keita c’est une succession patrilinéaire (transmise du père au fils), mais non automatique : elle nécessite la validation des chefs traditionnels réunis en conseil (la Gbara).

Ce type de succession, propre aux traditions impériales du Mandé, pourrait aussi être désignée par l’expression :

Succession dynastico-coutumière ou succession de droit coutumier dynastique.

 

Elle se distingue à la fois :

  • de la primogéniture automatique (où seul l’aîné hérite sans condition),

  • et de la méritocratie pure (où seuls les plus aptes sont choisis, indépendamment du sang),
    parce qu’elle combine filiation légitime et validation par les institutions coutumières.

Les cas de Ouati Keita (1270-1274) frère de Ouali présumé adoptif (fils d'un des généraux de Soundjata)  et de Khalifa Keita (1274-1275) 3e frère de Ouali présumé adoptif (fils d'un des généraux de Soundjata) 

Dans l’histoire de l’Empire du Mandé, la succession au trône n’a pas toujours suivi une stricte ligne de filiation biologique. Après le règne du Mansa Ouali Keita, fils direct de Soundjata Keita, l’Empire connut une phase de fragilité dynastique, marquée par des tensions internes et des incertitudes sur la légitimité du pouvoir. C’est dans ce contexte que furent intronisés Wati puis Khalifa Keita, deux fils adoptés par Soundjata selon une coutume préexistante. En effet, bien avant la naissance d’un héritier biologique, Soundjata avait instauré une pratique politique consistant à adopter et former les fils de ses généraux et compagnons d’armes. Cette tradition visait autant à assurer leur loyauté qu’à préparer une relève compétente et fidèle à l’esprit du Kurukan Fuga. Wati et Khalifa, élevés à la cour comme des fils, furent les héritiers de cette stratégie impériale, façonnés dans l’ombre du fondateur pour incarner une continuité possible du pouvoir. Après le règne d’Ouali, leur adoption et leur formation furent perçues comme une légitimation suffisante par le Gbara, qui les reconnut successivement comme Mansa. Wati Keita, bien que peu charismatique, régna sans controverse majeure. Son autorité limitée et sa gestion passive permirent toutefois un maintien provisoire de l’ordre impérial.

La situation changea radicalement avec son successeur, Mansa Khalifa Keita. Malgré une formation identique et une légitimation adoptive reconnue, Khalifa plongea rapidement dans une gouvernance marquée par la brutalité et l’arbitraire. Il fit preuve d’une violence inouïe contre ses opposants, méprisa les avis du Gbara, persécuta les nobles et affaiblit profondément les institutions du Mandé. Des chroniqueurs rapportent des actes de cruauté gratuite, des décisions autoritaires, et une rupture manifeste avec l’éthique de justice établie par Soundjata. Cette tyrannie de Khalifa Keita provoqua une véritable rupture politique. Le Gbara et les chefs de province, ulcérés par son comportement, mirent fin à son règne. Il fut destitué ou assassiné selon certaines traditions orales. Cette expérience tragique mit en lumière les limites du modèle adoptif lorsqu’il n’est pas accompagné de la vertu impériale. La succession revint alors à une lignée plus directe, avec Mansa Abubakari Keita, garant d’un retour à l’ordre dynastique et à l’équilibre institutionnel.

La brève succession adoptive de Wati et Khalifa Keita constitue donc un épisode unique de l’histoire impériale du Mandé : elle illustre la capacité du système à s’adapter aux contextes de crise, mais aussi les dérives possibles lorsque l’esprit du Mandé est trahi. La tyrannie de Khalifa marque un avertissement historique : sans droiture morale, même l’héritage du fondateur peut devenir source de chaos.

Le cas du Mansa Abou Bakari Ier de 1275-1285

À la suite du règne de Wali Keita, fils biologique de Soundjata Keita, la dynastie impériale du Mandé entra dans une phase de consolidation marquée par des jeux de pouvoir internes entre les différentes branches royales issues de Soundjata. Parmi les figures les plus significatives de cette période se trouve Mansa Abubakari I, dont la montée sur le trône impérial représente un précédent capital dans l’histoire de la succession malienne.

Abubakari I n'était pas fils d’un Mansa, mais petit-fils de Soundjata Keita par sa fille Kolonkan Keita. Dans la tradition impériale du Mandé, ce type de succession — par la lignée maternelle royale — n’était pas systématique mais restait possible lorsque la légitimité de l’ascendant maternel était incontestée et que l’individu avait acquis reconnaissance et soutien au sein de la Gbara. Kolonkan Keita, en tant que fille directe de Soundjata, jouissait d’un immense prestige. Elle fut elle-même considérée comme une matriarche sacrée dans les traditions du Mandé, et sa descendance fut tenue en haute estime.

Le choix d’Abubakari I comme souverain, entre environ 1270 et 1285, s’inscrit ainsi dans un modèle de succession par filiation utérine légitimée par l’assemblée coutumière. C’est là un point fondamental de la structure du pouvoir malien : la lignée royale ne se limite pas à la transmission paternelle, mais peut être assurée par la descendance maternelle, dès lors qu’il existe un lien direct avec Soundjata et que la personne est reconnue par les chefs du Mandé comme digne de régner. Historiquement, l’accession d’Abubakari I montre que la succession au sein de l’Empire du Mâli n’était ni rigide ni strictement patrilinéaire. Au contraire, elle répondait à une logique dynastique fondée sur la légitimité coutumière, la reconnaissance par les familles nobles, et l’aptitude à préserver l’équilibre du royaume. Ce système souple mais cohérent permettait d’éviter les guerres de succession sanglantes : en intégrant les deux lignées — masculine et féminine — issues du fondateur Soundjata, le Mandé garantissait une continuité harmonieuse du pouvoir.

L’autorité d’Abubakari I fut reconnue dans tout l’Empire. Son règne, bien que relativement court, confirma l’existence d’une règle impériale implicite : tout descendant direct de Soundjata Keita, par le père ou par la mère, peut accéder au trône du Mandé, à condition d’être reconnu par la Gbara et de démontrer sa capacité à assurer la stabilité et l’unité du royaume. Cette règle souligne la souplesse politique du Mandé médiéval, fondée non sur un absolutisme dynastique, mais sur un équilibre entre héritage sanguin, mérite et reconnaissance coutumière. L’exemple d’Abubakari I est fondamental pour comprendre la plasticité du droit coutumier malien en matière de succession impériale. Il offre un précédent formel pour toute légitimation par la branche maternelle, notamment dans les cas où le lien avec la lignée fondatrice est attesté et reconnu par les autorités traditionnelles. Ce cas montre enfin que le Mandé, loin d’être une monarchie rigide, était une société politique où le trône pouvait être confié à ceux qui, par le sang comme par les valeurs, représentaient la continuité légitime du fondateur Soundjata Keita.

" Tout descendant direct du fondateur Soundjata Keita par la lignée maternelle, issue du souverain fondateur, peut accéder au trône impérial du Mandé, à condition d’obtenir la reconnaissance de la Gbara et de démontrer sa capacité morale et politique à incarner l’unité de l’Empire. "

Décomposition de la règle :

  • Descendance par la mère : Le sang de Soundjata transmis par une fille impériale est considéré comme porteur de légitimité héréditaire.

  • Légitimité coutumière : L’individu doit être validé par l’instance coutumière suprême (la Gbara), ce qui confère un fondement politique et moral à la succession.

  • Capacité personnelle : Au-delà du sang, le successeur doit incarner les valeurs du Mandé (justice, bravoure, unité) et être apte à gouverner.

  • Antériorité juridique : Ce modèle a été reconnu dans le cas d’Abubakari I (env. 1270–1285), successeur par sa mère Kolonkan Keita, fille de Soundjata.

Argumentaire historique : La Lignée Matrilinéaire et la Succession au Pouvoir dans l'Empire du Mali

Ibn Khaldoun (1332–1406) – Kitāb al-ʻIbar (Livre des Exemples)

Ibn Khaldoun, historien et sociologue maghrébin du XIVe siècle, n’a jamais visité l’Empire du Mali, mais il en dresse une analyse à partir de témoignages indirects, dans le cadre plus large de son étude des dynamiques de pouvoir et des cycles des civilisations. À propos de la succession au sein de la dynastie impériale du Mali, il rapporte :

« La souveraineté du pays des Noirs appartient à la dynastie des Mali. [...] Le trône passe à un frère ou à un oncle lorsque le fils du roi n’est pas jugé capable. Ce peuple a une tradition de choisir le plus digne parmi les membres de la famille royale. »

Cette observation met en lumière une flexibilité propre au système de succession malien : l’accession au trône n’était pas fondée uniquement sur la primogéniture paternelle, mais reposait aussi sur la capacité reconnue du prétendant à gouverner. Dans cette logique, la légitimité découle autant de la compétence que du sang, ce qui laisse place à une interprétation plus inclusive du droit dynastique, y compris à travers les lignées collatérales ou maternelles dans certains cas.

Ibn Battûta (1304–1377) – Rihla (Le Voyage)

Ibn Battûta, qui voyagea en Mali en 1352-1353, décrit la société et les institutions du Mali avec un regard plus direct, car il a vu de ses propres yeux les pratiques du royaume. En ce qui concerne la succession et les titres, il souligne l'importance de l'existence d'un conseil d'anciens, et il observe comment les décisions majeures étaient prises par des autorités collectives et consultées avant toute action, notamment lors de la désignation du souverain.

« La succession au trône est régie par un conseil des notables, qui décide de l'aptitude du successeur, même si le trône appartient à la famille royale. Les membres de la famille sont jugés en fonction de leur mérite, et le successeur n'est pas nécessairement le fils du roi. »

Cela renforce l'idée que la légitimité au pouvoir est liée à un consensus collectif au sein des autorités et des anciens, et non uniquement à une règle de succession patriarcale.

 
Al-ʿUmari (1301–1349) – Masālik al-abṣār fī mamālik al-amṣār

Al-ʿUmari, géographe et chroniqueur égyptien du XIVe siècle, s’est intéressé aux aspects politiques, économiques et culturels de l’Empire du Mali, notamment à travers les récits recueillis auprès de témoins du pèlerinage de Mansa Musa au Caire. Dans son œuvre, il rapporte :

« Le roi du Mali s’est distingué par sa piété, sa générosité et sa science. [...] Ce roi n’a pas accédé au trône par héritage direct, mais par la succession légitime au sein de sa famille. [...] Il était le neveu du roi précédent. »

Ce témoignage souligne que Mansa Musa, l’un des souverains les plus illustres de l’Empire du Mali, fut choisi non pour sa seule filiation, mais en raison de ses qualités reconnues et de la légitimité familiale qu’il incarnait. Il est significatif qu’il ait été neveu du roi précédent, un détail qui renforce l’idée d’un modèle de succession fondé sur la capacité et la reconnaissance par les élites, plutôt que sur une stricte primogéniture paternelle. Cette tradition d’évaluation méritocratique, intégrée à un cadre dynastique, montre la souplesse des institutions mandingues dans le choix de leurs souverains.

 

​Al-Bakri (1014–1094) – Kitāb al-Masālik wa al-Mamālik ​

 

Al-Bakri (1014–1094), géographe andalou du XIe siècle, demeure l’un des premiers auteurs à avoir documenté les royaumes d’Afrique de l’Ouest dans son Kitāb al-Masālik wa al-Mamālik. Bien qu’il n’ait pas été contemporain de l’Empire du Mali, ses écrits portent sur le royaume du Ghana, souvent considéré comme un précurseur politique et culturel du Mandé impérial.

Dans son ouvrage, Al-Bakri décrit un mode de succession matrilinéaire :

« Le roi ne meurt jamais sans que son successeur n’ait été désigné. Ce successeur n’est pas son fils, mais le fils de sa sœur. Ainsi, le pouvoir passe par la lignée maternelle. »

Ce témoignage éclaire une tradition de transmission du pouvoir par la lignée maternelle dans la région sahélienne avant l’islamisation complète. Bien que cette règle ait été attestée dans l’ancien Ghana, et ne soit pas systématiquement appliquée à l’ensemble du Mandé, elle souligne l’importance symbolique et politique des femmes dans les dynasties ouest-africaines pré-impériales.

Certaines recherches anthropologiques et traditions orales du Mandé font d’ailleurs état de formes de reconnaissance dynastique fondées sur la lignée maternelle, notamment dans la consolidation des alliances entre familles nobles. Ainsi, loin d’être une anomalie, l’ascendance maternelle peut être comprise comme une composante légitime d’un système dynastique plus large, enraciné dans l’histoire plurielle et évolutive du Mandé.

Al-Idrīsī (1100–1165) – Nuzhat al-mushtāq fī ikhtirāq al-āfāq (Le Livre de Roger)

Al-Idrīsī, célèbre géographe andalou du XIIe siècle, offre l’un des témoignages les plus anciens sur les systèmes politiques d’Afrique de l’Ouest. Bien qu’il se réfère principalement aux royaumes pré-impériaux comme celui du Ghana, ses observations ont une valeur historique précieuse pour comprendre les traditions politiques régionales qui ont pu influencer la formation de l’Empire du Mali.

Il note :

« Chez eux [les souverains de l’Afrique occidentale], le pouvoir ne revient pas au fils du roi, mais à celui qui est issu de la sœur du roi. Ils considèrent que c’est la seule façon d’assurer la continuité du sang royal. »

Cette déclaration souligne l’importance de la filiation maternelle dans les dynamiques de succession. Même si elle se réfère à une période antérieure à l’essor du Mali impérial, elle éclaire une continuité culturelle potentielle dans l’organisation lignagère et la logique de transmission du pouvoir. En effet, l’idée que la lignée maternelle garantisse l'authenticité du sang royal apparaît comme un principe fondamental dans plusieurs sociétés sahéliennes avant et parfois pendant l'islamisation progressive de la région.

Conclusion – Un modèle dynamique et méritocratique de succession dans les royaumes mandingues

L’analyse croisée des récits d’Al-Bakri, d’Ibn Khaldoun, d’Al-ʿUmari et d’Al-Idrīsī révèle un modèle de succession ni strictement héréditaire, ni exclusivement patrilinéaire. Ce système repose sur deux piliers : la légitimité dynastique (souvent en lien avec la lignée maternelle) et la reconnaissance du mérite, évalué par des conseils d’anciens et des élites.

Il apparaît donc que, tant dans les royaumes antérieurs à l’Empire du Mali que sous certains règnes mandingues, la succession pouvait revenir à un neveu, un frère ou un oncle du roi, en fonction de sa compétence et de sa capacité à gouverner. Cette flexibilité a sans doute contribué à la stabilité politique et à la longévité de certaines dynasties, en assurant une continuité dynastique sans sacrifier l’exigence de leadership.

Ainsi, la lignée maternelle, loin d’être marginale, a constitué un axe structurant du pouvoir royal, ce qui offre un fondement traditionnel à ceux qui aujourd’hui s’en réclament non pas comme héritiers exclusifs, mais comme gardiens ou protecteurs d’une mémoire impériale façonnée par ces principes.

La Théorie du Professeur Francois Xavier Fauvelle du Collège de France sur les Mansa ayant succédé à Abou Bakari Keita Ier

Le Professeur François-Xavier Fauvelle, historien français de renommée internationale, est une référence incontournable dans le domaine de l’histoire de l’Afrique précoloniale. Titulaire de la chaire d’histoire des mondes africains au Collège de France, l’une des plus prestigieuses institutions académiques européennes, il est reconnu pour ses travaux novateurs et rigoureux sur les civilisations africaines anciennes, et en particulier sur l’Empire du Mâli. Auteur de plusieurs ouvrages majeurs, dont le très influent Le Rhinocéros d’or : histoires du Moyen Âge africain, le Professeur Fauvelle s’attache à restituer avec précision la richesse politique, sociale et intellectuelle des grands empires africains médiévaux. Ses recherches s’appuient à la fois sur l’archéologie, les sources arabes médiévales, les traditions orales africaines, et une lecture critique des récits de voyageurs de l’époque.

 

Dans ses travaux consacrés à l’Empire du Mâli, le Professeur Fauvelle met en lumière la complexité des règles de succession au trône impérial. Il insiste sur le fait que la transmission du pouvoir ne se faisait pas uniquement par la ligne paternelle directe, mais pouvait également s’opérer par la descendance maternelle, notamment à travers les femmes royales, filles du fondateur Soundjata Keita. C’est dans ce contexte qu’il analyse la figure du Mansa Abubakari I, qui aurait succédé à Wali Keita vers la fin du XIIIe siècle. Le Professeur Fauvelle considère comme plausible, selon les traditions et les logiques dynastiques du Mandé, que ce souverain ait été le fils de Kolonkan Keita, fille de Soundjata. Ce cas illustre clairement que l’héritage impérial pouvait passer par la filiation maternelle directe, dès lors que cette filiation était reconnue par les autorités coutumières, en particulier la Gbara, conseil des nobles, dignitaires et chefs traditionnels du Mandé. Ainsi, les travaux du Professeur François-Xavier Fauvelle confirment qu’il existe dans l’histoire impériale du Mandé un précédent légitime et attesté d’accession au trône par un descendant de Soundjata Keita issu de la lignée maternelle. Ce modèle de succession renforce la validité des revendications dynastiques fondées sur une filiation par une fille impériale, dès lors qu’elles s’accompagnent d’une reconnaissance traditionnelle et morale.

Selon l’analyse du Professeur François-Xavier Fauvelle du Collège de France, il est historiquement possible qu’Abubakari I, successeur de Khalifa Keita, ait été le petit-fils de Soundjata Keita par sa fille Kolonkan. Cela ouvre la voie à une tradition de succession utérine dynastique, dans laquelle le trône revient à un descendant direct par une fille impériale, pour autant que sa légitimité soit reconnue par la Gbara.

Cette hypothèse est renforcée par le fait qu’après Abubakari Keita I, selon une hypothèse du Professeur Fauvelle, la succession impériale semble se poursuivre au sein de cette même branche descendante, ce qui suggère l’établissement d’une lignée dynastique issue de Abubakari Keita d'ou les "Abubakrides" incluant potentiellement le fameux Mansa Moussa. Il aurait ainsi été l’ancêtre d’une Maison Impériale du Mandé post-Soundjata, légitime au regard des coutumes du Mandé.

Les tentatives de reconstruction des tables généalogiques par différents spécialistes mondiaux de l'Empire du Mali

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Extrait et conclusion d’une correspondance universitaire reçue par le secrétariat de la Maison du Mandé entre le 02 et le 03 mai 2025

« Même si, à titre personnel, je serais beaucoup plus réservé que vous au sujet de l’authenticité historique de la Charte du Manden, les questions que vous posez au sujet des modes de légitimation du pouvoir dans le royaume du Mâli sont d’excellentes questions. »

Extrait d’une correspondance privée avec le Secrétariat de la Maison du Mandé

Dans un échange récent, un historien éminent et spécialiste de l’Afrique médiévale, auteur d’ouvrages de référence, a partagé ses réflexions sur les recherches menées par la Maison du Mandé. Il a salué l'intérêt de l'étude sur les modes de légitimation du pouvoir au sein de l'Empire du Mâli, tout en apportant quelques nuances méthodologiques, notamment concernant l’authenticité historique de la Charte du Manden.

En abordant la question de la légitimité, il a souligné que plusieurs lignages, et pas seulement les Keita, avaient pu exercer la souveraineté au sein du Manden au cours de l’histoire. Il a également mentionné que la succession impériale ne se basait pas uniquement sur la transmission héréditaire, mais que différents principes avaient pu jouer alternativement, comme l’attestent les contradictions relevées dans les sources arabes. Il a également exprimé un vif intérêt pour l’approche comparative entre le système de légitimation du pouvoir dans l’Empire du Mâli et celui du Saint-Empire romain germanique, une comparaison qu’il a jugée pertinente et enrichissante.

« Quant au principe de succession, je vous rejoins là aussi : il me semble que plusieurs principes ont joué alternativement, ainsi qu’on le repère dans les contradictions des sources arabes.»

Extrait d’une correspondance privée avec le Secrétariat de la Maison du Mandé

Dans le cadre de ses recherches, la Maison du Mandé a entrepris un examen approfondi des différentes formes d’accession au trône et des mécanismes de légitimation. Cet examen a été mené avec rigueur, en tenant compte des critères de légitimité issus de la tradition mandingue, des sources écrites disponibles, ainsi que des observations comparatives avec d’autres systèmes impériaux. L’objectif étant de garantir que chaque phase de reconnaissance actuelle respecte pleinement les principes historiques : l’hérédité dynastique, la reconnaissance coutumière, l’approbation par la Gbara (l’assemblée des chefs traditionnels), et l’ancrage dans les valeurs fondatrices de l’Empire. Ainsi, au terme de ce processus méthodologique, la Maison du Mandé s’assure que chaque démarche contemporaine de légitimation "coche toutes les cases" du modèle traditionnel de succession impériale. La Maison du Mandé tient à exprimer sa sincère gratitude à cet historien pour ses précieuses observations, qui confirment l’importance de maintenir une démarche de recherche rigoureuse et ouverte, alliant sources orales, écrites et comparatives.

Le système électif ou semi électif de l'Empire du Mâli : Le Rôle de Gbara

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Comparaison entre le système électif malien et celui du Saint-Empire romain germanique

L’Empire du Mâli et le Saint-Empire romain germanique, bien que distincts par leurs contextes culturels et géographiques, présentent des similitudes notables dans leurs mécanismes de légitimation du pouvoir impérial. Ces deux systèmes, malgré leurs différences historiques et géopolitiques, ont évolué autour de principes de succession dynastique combinés avec des processus électifs ou collégiaux de reconnaissance de la légitimité des souverains. Examinons ces deux systèmes pour mieux comprendre leurs points communs et leurs divergences.

La légitimité dynastique et le rôle de l’héritage

Dans l’Empire du Mâli, le principe de légitimité dynastique était essentiel. L’héritage du trône reposait principalement sur la lignée des Keïta, issus de Soundjata Keïta, le fondateur de l’Empire. Cependant, l’héritage seul ne suffisait pas pour accéder au trône. La transmission du pouvoir ne se faisait pas uniquement sur la base de la primogéniture ou de la lignée directe ; d’autres éléments comme l'approbation des chefs traditionnels ou la reconnaissance par l'assemblée de la Gbara (le conseil des nobles) jouaient un rôle fondamental. Cette approbation représentait une forme de validation politique qui complétait le caractère dynastique de la succession. Ainsi, bien que la lignée Keïta ait été un prérequis, la reconnaissance collective était également primordiale, et cela pouvait influencer le choix du souverain.

De manière similaire, dans le Saint-Empire romain germanique, l’héritage dynastique des Habsbourg ou d'autres grandes maisons était crucial. Néanmoins, le Saint-Empire romain germanique était gouverné par une double légitimité : un héritage dynastique qui désignait les candidats potentiels, et une élection impériale formelle par les princes-électeurs. Le prince élu, bien que souvent issu de grandes maisons, devait encore être validé par cette élection collégiale pour obtenir l’approbation de l’ensemble des aristocrates du Saint-Empire.

Le rôle de l’élection et de l’approbation collégiale

L'un des éléments les plus marquants dans la comparaison de ces deux systèmes est le rôle de l'assemblée ou du collège des notables. Dans le Saint-Empire romain germanique, les princes-électeurs (un groupe de sept nobles) jouaient un rôle central dans l’élection de l’empereur. Cette élection n’était pas simplement une formalité, elle était un acte essentiel pour garantir la légitimité du souverain élu. L’élection avait des implications profondes, car elle mêlait un principe dynastique avec une approbation collégiale, souvent fondée sur des considérations politiques, stratégiques ou territoriales.

De manière parallèle, dans l’Empire du Mâli, bien que le principe dynastique fût souvent respecté, l’approbation de la Gbara (le conseil des chefs traditionnels) était tout aussi cruciale. La Gbara avait le pouvoir de ratifier ou de désigner un souverain, et cet organe collégial pouvait influencer la succession en fonction des impératifs politiques et sociaux du moment. Par exemple, après la mort d’un Mansa, la Gbara pouvait choisir un héritier en fonction des circonstances, voire imposer une désignation même si cet héritier n’était pas le plus proche par le sang.

Le compromis entre héritage et élection : un modèle hybride

Dans ces deux systèmes, on constate un modèle hybride de succession qui combine des éléments dynastiques et des mécanismes électifs ou collégiaux. Cela permettait à la fois d’assurer la continuité de la dynastie tout en garantissant que le souverain soit accepté par les élites ou les puissances locales. Ce compromis entre le droit du sang et la reconnaissance par les acteurs politiques était un facteur clé pour maintenir la stabilité dans ces empires. Dans l’Empire du Mâli, par exemple, bien que l’héritier d’une lignée royale puisse être prédestiné à succéder, la reconnaissance par la Gbara agissait comme un facteur modérateur. Un Mansa pouvait être désigné ou rejeté en fonction de son acceptation par les notables. De même, dans le Saint-Empire romain germanique, bien que les Habsbourg ou d'autres maisons royales aient eu une forte prédisposition à la succession, l’élection par les princes-électeurs permettait de maintenir une forme de contrôle sur l’empereur, assurant que sa légitimité n’était pas simplement dictée par la naissance.

Conclusion

En définitive, les systèmes de succession de l’Empire du Mâli et du Saint-Empire romain germanique illustrent deux formes de gouvernance dans lesquelles l’héritage dynastique et la légitimation collégiale ou élective se croisent pour produire des règles de succession hybrides. Ces systèmes ont en commun la nécessité d'un compromis entre les principes de légitimité dynastique (le droit de naissance) et l’approbation des élites ou des assemblées (la reconnaissance politique). Bien que différents dans leur application spécifique, ces deux modèles partagent une logique de gouvernance fondée sur la flexibilité et l'adaptabilité aux contextes changeants, garantissant ainsi une forme d'équilibre entre pouvoir héréditaire et consentement politique.

Les Mansa Moussa, Maghan  Ier, Souleyman, Qsa de 1324 à 1360

Sous le règne de Mansa Moussa et au cours de la période suivante, une forme particulière de succession peut être observée dans l'Empire du Mâli, que l'on pourrait qualifier de succession en Z. Ce modèle de succession alternée implique un passage du pouvoir, non seulement du père au fils, mais aussi du frère au frère, et de nouveau du fils au père, créant ainsi une dynamique complexe de transmission du pouvoir au sein de la famille royale. Après le règne légendaire de Mansa Moussa (1312-1337), c'est son fils, Maghan Ier, qui lui succède, comme il est traditionnellement attendu dans un système dynastique. Cependant, cette succession ne suit pas un modèle strictement linéaire. En effet, après la courte durée de règne de Maghan Ier, Souleyman, le frère cadet de Mansa Moussa, prend le pouvoir. Ce changement démontre que la succession ne se fait pas uniquement par descendance directe, mais qu'il existe également une place pour d'autres membres de la famille royale, en particulier les frères du souverain précédent.

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Par la suite, on observe un retour à la succession patrilinéaire, où le pouvoir est transmis à un autre membre de la famille royale, souvent un fils du souverain précédent. Ce modèle de succession se poursuit de manière alternée, entre différents membres de la famille, illustrant un équilibre entre des transitions linéaires et non linéaires du pouvoir. La succession en "Z" crée ainsi une dynamique dans laquelle plusieurs membres de la famille peuvent accéder au trône, alternant parfois entre les générations, et offrant une flexibilité qui reflète les réalités politiques et dynastiques de l'époque.

Ce système de succession en Z peut être comparé à celui observé dans d'autres monarchies, comme la dynastie des Ibn Saoud en Arabie Saoudite. Dans cette dynastie, la succession s'est également faite de manière alternée entre les fils et les frères du roi Abdulaziz Ibn Saoud. Après la mort du roi fondateur, le pouvoir a été transmis successivement entre ses fils, puis ses frères, et parfois de nouveau à ses fils, suivant ainsi une logique de succession similaire. Cela reflète une flexibilité dans le processus de transmission du pouvoir, influencée par les circonstances politiques et familiales, mais conservant tout de même un lien avec la structure héréditaire.

En conclusion, le modèle de succession observé dans l'Empire du Mâli, ainsi que dans la dynastie des Ibn Saoud, illustre une forme de transmission du pouvoir qui n’est pas strictement linéaire, mais fluide et adaptable. Cette alternance entre les membres de la famille royale, qu’ils soient fils ou frères, permet de répondre aux exigences politiques tout en préservant l’héritage dynastique.

La règle de la succession en Z dans le contexte de l'Empire du Mâli peut être formulée de la manière suivante :

  • Succession par héritage direct : Le pouvoir est d'abord transmis au fils du souverain régnant, suivant la logique dynastique de transmission héréditaire du trône. Cela garantit la continuité du lignage royal.

  • Alternance entre frères et fils : Si le fils du souverain ne peut ou ne doit pas accéder au trône (en raison de sa jeunesse, d'une incapacité ou d'autres raisons politiques), le pouvoir peut être transmis à un frère du souverain déchu. Cette étape permet de maintenir la stabilité du royaume tout en préservant l'équilibre familial.

  • Retour à la lignée paternelle : Après une période d'alternance ou de régence sous un autre membre de la famille, la succession revient à un autre descendant direct, souvent un fils du souverain précédent. Cela rétablit une logique directe de transmission du pouvoir, maintenant le contrôle au sein de la lignée familiale immédiate.

  • Flexibilité dans la succession : Ce modèle de succession offre une certaine souplesse en permettant des transitions entre les générations (père-fils) et les membres de la fratrie (frère-sœur), assurant ainsi que la succession du trône ne soit pas rigide et puisse s’adapter aux circonstances politiques de l’époque.

Des Mansas Maghan III à Nyani Mansa Mamadou de 1390 à 1610

Mansa Maghan III fut l'un des successeurs de Mansa Musa. À cette époque, la succession à la tête de l’Empire du Mâli était marquée par un système héréditaire, mais loin d’être strictement linéaire. Le pouvoir pouvait passer à un fils direct, à un frère, ou parfois à un autre membre de la famille royale, selon les circonstances et les équilibres politiques. Toutefois, la liste précise des Mansa durant cette période demeure difficile à établir, et le mode de succession des prétendants n'est pas clairement défini, laissant place à une certaine ambiguïté et fluidité dans la transmission du pouvoir.

Durant cette époque, la stabilité de l'Empire se dégradait progressivement. Les invasions, révoltes internes et luttes pour le pouvoir altéraient les modalités de succession. Les dynasties locales commencèrent à prendre de plus en plus de pouvoir, et l'autorité impériale s'affaiblit, entraînant une décentralisation accrue du pouvoir. La succession devint alors moins rigide, souvent influencée par l'autorité de la Gbara (l'assemblée des chefs traditionnels) et les forces politiques régionales. Alors que certains Mansa étaient choisis parmi les descendants directs, d'autres provenaient de lignages plus éloignés, selon les besoins et les alliances du moment.

Nyani Mamadou, dernier Mansa en 1610, marque la fin de l’Empire du Mâli tel qu’il était structuré à l'époque de Soundjata Keïta. À ce moment, l’unité et la cohésion de l'Empire étaient largement compromises, avec des royaumes comme celui du Songhaï et d’autres entités locales ayant gagné en indépendance. La succession au trône du Mansa devenait alors fonction des circonstances politiques locales. Bien que la famille impériale restât souvent en lice, le rôle du Mansa s’était considérablement affaibli, devenant en grande partie symbolique, notamment après la défaite de Djenné. Cette évolution des modes de succession laisse entrevoir la possibilité d’une réinterprétation ou d’une continuation de l’héritage impérial dans des formes nouvelles.

 

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Modes de succession dans l’Empire du Mâli et légitimité de la Maison du Mandé

L'étude historique des successions au sein de l’Empire du Mâli révèle un système de transmission du pouvoir à la fois souple, pragmatique et profondément enraciné dans les valeurs mandingues. Ce système, forgé par l’intelligence collective des anciens et encadré par des institutions coutumières telles que la Gbara, a permis d’assurer la continuité impériale dans un contexte politique souvent instable, en conjuguant droit du sang, mérite personnel et consensus communautaire.

Contrairement à une vision rigide de la monarchie, la légitimité dans l’Empire du Mâli ne reposait pas exclusivement sur une filiation directe. La filiation avec Soundjata Keita, fondateur légendaire du Mandé, constituait bien un socle fondamental, mais elle ne suffisait pas à elle seule à garantir l’accession au trône. Plusieurs modes de succession furent ainsi institutionnalisés :

  • Succession patrilinéaire, illustrée par Mansa Wali, fils de Soundjata.

  • Succession matrilinéaire, incarnée par Mansa Abubakari I, petit-fils par sa mère Kolonkan Keita, ayant été succédé par plusieurs Mansa de sa descendance, démontrant l’importance des alliances utérines.

  • Succession adoptive, comme dans les cas controversés de Wati et Khalifa Keita, choisis malgré leur absence de lien biologique direct.

  • Succession méritocratique, exemplifiée par Soundjata lui-même, choisi pour ses qualités malgré sa position de cadet.

  • Succession collatérale, souvent utilisée dans des périodes de crise ou de reconstruction impériale, notamment à travers le modèle en "Z" observé après Mansa Moussa.

Cependant, tous ces modes ne pouvaient être reconnus comme légitimes qu’à condition d’être validés par la Gbara, l’assemblée des chefs traditionnels. Cette institution jouait un rôle central en entérinant ou en rejetant les prétendants au trône, y compris ceux issus de la lignée fondatrice. L’exemple de Khalifa Keita, destitué pour tyrannie, démontre la puissance morale et politique de ce contre-pouvoir coutumier.

Ainsi, la lignée seule ne suffisait pas. Le mérite, la capacité à gouverner et la validation communautaire constituaient des critères essentiels. Ce système hybride, profondément africain, alliant dynastie, coutume et mérite, trouve d’ailleurs des échos dans d’autres traditions impériales telles que le Saint-Empire romain germanique, où l’élection par les pairs venait compléter le droit de naissance.

C’est dans cette tradition souple et noble que s’inscrit aujourd’hui la Maison du Mandé. En tant qu’institution contemporaine porteuse de la mémoire impériale, elle revendique une légitimité fondée sur quatre piliers essentiels :

  • La filiation historique, à la fois avec les dynasties impériales du Mandé et avec le patronyme impérial, issue d’une lignée authentique de descendants directs des Mansaren KEITA et COULIBALY, attestée par des généalogistes et experts contemporains du Mali médiéval.

  • La reconnaissance coutumière et officielle, accordée par les chefs traditionnels (la Gbara contemporaine composée des 18 chefs traditionnels les plus importants de la région du Mandé), à travers l’acte de proclamation, ainsi que par les autorités administratives locales.

  • La reconnaissance religieuse, exprimée par des institutions telles que le Haut Conseil Islamique du Mali et le Conseil National Islamique des Ivoiriens et de France.

  • L’engagement moral et humanitaire, au service des populations, dans l’esprit de justice, d’équité et de solidarité hérité de Soundjata Keita.

Par son action et son héritage, la Maison du Mandé incarne la continuité vivante de l’esprit impérial africain : un pouvoir fondé sur l’équilibre entre la mémoire dynastique, la sagesse collective et la capacité à servir. Elle demeure un acteur pleinement légitime de la pérennité du Mandé, dans le respect de ses fondements traditionnels et de ses responsabilités contemporaines.

 

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