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ÉTENDARD

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L’origine et les différentes versions du drapeau impérial de l’Empire du Mali : approche historique et symbolique

L’étude des emblèmes et drapeaux des formations étatiques précoloniales africaines demeure un champ historiographique encore peu exploré, notamment en ce qui concerne l’Empire du Mali, également appelé Empire du Mandé, fondé au XIIIe siècle sous l’autorité de Soundjata Keita, proclamé empereur à Kurukan Fuga vers 1235. L’Empire du Mali, qui devint l’une des plus puissantes formations politiques de l’Afrique médiévale, a rayonné sur une vaste zone s’étendant du fleuve Sénégal à Gao, en passant par Tombouctou et Djenné. L’analyse de ses symboles visuels – notamment ceux pouvant être assimilés à une forme proto-héraldique ou vexillologique – suppose une approche interdisciplinaire mêlant archéologie, traditions orales, iconographie islamique et récits des voyageurs arabes.

L’inexistence d’un drapeau au sens occidental médiéval

Il convient en premier lieu de souligner qu’aucun drapeau, au sens strictement européen et militaire du terme, n’a été officiellement attesté pour l’Empire du Mali durant sa période médiévale (XIIIe – XVe siècles). L’usage de drapeaux comme symboles de souveraineté ou d’unité territoriale ne correspondait pas nécessairement aux conceptions africaines de l’autorité. Cependant, des symboles distinctifs de pouvoir étaient bien présents. Des bannières de guerre, des totems, des étendards en tissus colorés ou en peaux décorées pouvaient accompagner les armées ou les dignitaires, bien que leur forme et leur couleur n’aient pas été standardisées comme dans le cas des monarchies européennes contemporaines.

Les chroniques arabes, notamment celles d’al-Umari et d’Ibn Battûta, mentionnent que le Mansa possédait une parure impériale somptueuse, comprenant des tissus brodés et des objets d’or, mais ne font pas état d’un drapeau unique. Cependant, al-Umari, dans ses récits sur le pèlerinage de Mansa Moussa en 1324, évoque une importante procession avec des emblèmes portés en tête du cortège, ce qui laisse penser à l’usage de signes visuels forts, peut-être comparables à des drapeaux cérémoniels.

L’émergence de représentations modernes (XIXe–XXe siècles)

L’absence de preuves matérielles directes d’un drapeau impérial durant l’époque médiévale n’a pas empêché les tentatives de reconstitution vexillologique à partir du XIXe siècle, dans un contexte de redécouverte de l’Afrique impériale. Plusieurs intellectuels africains et historiens, notamment au cours de la période post-coloniale, ont cherché à reconstituer un drapeau de l’Empire du Mali à des fins de mémoire, d’identité ou de légitimation historique.

Ainsi, certaines versions modernes du "drapeau impérial du Mali" incluent les éléments suivants :

  • La tête de lion ou le lion doré : Symbole de royauté et associé à la figure de Soundjata Keita, surnommé le Lion du Mandé. Ce symbole est souvent représenté en position héraldique sur fond rouge ou vert.

  • Le Kanaga ou le masque stylisé : Représentation graphique liée aux traditions dogon ou bambara, parfois intégrée dans des reconstitutions modernes, bien que son lien avec l’époque impériale soit discuté.

  • Les couleurs rouge, or et vert, souvent associées rétrospectivement à la grandeur impériale et à la richesse de l’empire, inspirées à la fois des ressources naturelles (l’or du Bouré, les forêts, le sang versé pour la défense du territoire) et de la symbolique panafricaine.

Une version modernisée du drapeau, diffusée dans les milieux afrocentristes et diasporiques dans les années 1970, montre un lion doré sur fond rouge, parfois orné de motifs mandingues. Cette version est plus idéologique que fondée sur des éléments historiques tangibles, mais elle sert une fonction symbolique forte.

La codification contemporaine au sein des mouvements néo-impériaux

Dans les milieux culturels, diplomatiques et associatifs revendiquant l’héritage du Mandé impérial, certaines institutions ont officialisé une version dite "drapeau impérial du Mandé", intégrant des éléments vexillologiques codifiés :

  • Champ principal de couleur rouge foncé, symbolisant la dignité royale et le sang des ancêtres.

  • Lion stylisé doré, représentant la lignée de Soundjata Keita.

  • Parfois, une bordure verte ou noire, évoquant la terre du Mandé ou les souffrances subies durant la période coloniale.

Ces versions ne prétendent pas à une authenticité historique au sens strict, mais s’inscrivent dans un processus de reconstruction identitaire et de résilience mémorielle, typique des renaissances culturelles africaines contemporaines.

Conclusion

Le drapeau impérial de l’Empire du Mali, en tant qu’objet vexillologique, n’a pas existé sous une forme codifiée durant la période médiévale, mais des emblèmes visuels porteurs de sens étaient bel et bien utilisés. Les représentations actuelles, bien qu’anachroniques sur le plan historique, participent d’un effort de redéfinition de l’héritage mandingue et s’inscrivent dans la dynamique post-coloniale de réappropriation de l’histoire africaine. Le drapeau, qu’il soit un symbole inventé ou inspiré, devient ainsi un vecteur de transmission des idéaux d’unité, de noblesse et de souveraineté que portait l’Empire du Mali.

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